Poser un écrit
Remix est une reconfiguration.
Sous l’apparence d’une revue, elle pose ses sujets, qui se croisent, se complètent, se confrontent, et inaugure un lieu où le lien se constitue à la faveur de leur juxtaposition. Tel est le projet du livre que vous tenez entre vos mains.
Remix 01 s’intéresse aux dispositifs d’écriture et de lecture. En 1923, El Lissitzky fixe les priorités en une formule graphique passée inaperçue et qui pourtant n'est pas anodine, enjoignant à tout acteur de l’imprimé de son époque de penser la pose de son écrit. Dans son manifeste Topographie der Typographie El Lissitzky, Topographie der Typographie, in Merz N°4, p. 47, Hanovre, juillet 1923., on peut lire : « Das neue Buch fordert den neuen Schrift-Steller. Tintenfass und Gänsekiel sind tot.» (« Le nouveau livre réclame le nouvel écrivain. L’encrier et la plume d’oie sont morts. »). L’artifice typographique minimal de l’insertion d’un tiret et de la capitalisation du second mot Steller qui compose Schriftsteller — correspondant à écrivain — promeut graphiquement la venue du nouvel écrivain comme poseur d’écrit (Schrift-Steller) selon un effet de sens visuel que l’on ne peut retranscrire en langue française. C’est de cette découverte que découle l’objet d’étude exploré par la neuvième édition du Printemps de la typographie qui a suscité Remix 01. Ce livre-revue questionne le traitement du texte et des blancs dans le format, la mise en espace du contenu, le support, les conventions, la page blanche et ce qu’elle a à dire. Il fait l’hypothèse que tous ces choix typographiques sont primordiaux, que le sens en dépend.
C’est donc à la ligne que tout se joue.
Les étudiants de première année du DSAA Design typographique se sont appropriés Remix 01 pour ouvrir un espace critique. Récipient hétérogène, il articule des contributions issues de différentes éditions du Printemps de la typographie interrogeant la pose de l’écrit selon des prismes multiples. À l’image de l’événement, Remix 01 tire profit du thème en croisant les interventions pour disposer spatialement une nouvelle écriture des sujets abordés oralement. Cette transfiguration des conférences à l’écrit redéfinit l’approche spatiale et temporelle du contenu. Si l’auditoire du Printemps de la typographie écoute successivement les intervenants qui imposent un rythme, à l’inverse, Remix 01 offre un contenu à feuilleter qui permet de tisser des liens inédits et de mettre en perspective les propos. Sa richesse tient de son déploiement polygraphique.
Remix 01 est aussi le lieu d’une mise en abîme pour les étudiants du DSAA Design typographique, d’abord éditeurs puis designers, amenés à poser, puis à trancher cette même question du dispositif dans leur conception éditoriale et graphique. D’ailleurs, selon la formule d’un contributeur, « la parution d’un livre est parfois l’aboutissement heureux d’un défi qu’une poignée d’individus se sont lancés en se promettant de braver tous les obstacles ». Elle est pour eux l’occasion d’affirmer un positionnement public quant à la façon de rendre compte visuellement de contenus qu’il leur a fallu d’abord assimiler intellectuellement avant de choisir en conscience le type de médiation à privilégier entre ces contenus et leur lecteur.
Appréhender une matière textuelle et iconographique riche, définir ensuite les enjeux majeurs capables de donner une cohérence conceptuelle recevable par un public circonscrit, imaginer enfin une configuration graphique qui à la fois incarne la variété des propositions et les identifie dans leur originalité. Telles ont été les étapes par lesquelles les étudiants ont pu affermir leur qualité de designer-interprète. Alors qu’ils paraissent s’affairer à poser simplement un écrit, ils inaugurent dans les faits un monde dans lequel, distribuant positions et réceptions, ils engagent leur place, singulièrement.